mercredi 31 janvier 2018


sweat à capuche

parait que t'as été veilleur de nuit
parait que t'as été éboueur
parait que t'as été agent de nettoyage
parait que t'as été déménageur
parait que t'as bossé dans la restauration rapide
parait que t'as échangé une correspondance avec Miriam Cendrars
parait que tu ressemblais à une fille au collège
parait que tu ressembles désormais à Kevin Martin alias the Bug
parait aussi qu'il faut que t'apprennes à vivre pauvre con

substance de la lumière altérée par la pluie qui redouble
bourrasques contondantes
dans le fantastique des rues 

tes amis sont heureux et pourtant ils ont des enfants et des prêts à rembourser
Ils te font pas chier
tu les fais pas chier

les spécialistes de la vraie vie
te rendent toujours un peu fragile à te sentir obligé de parler leur langage
tu ne veux plus rien d'eux
tu ne veux plus rien
à part l'urgence
à part la quête
à part rêver
même si en vérité tu n'as plus que ça pour te situer
la solitude 

le frisson est revenu mais tu es fatigué
ta chair est une chienne qui te mord
les yeux en feu
tu aboies des formules


le frisson est revenu mais tu es fatigué

tu ne connais pas Nadir
tu n'es pas du quartier
on te demande le chemin de la gare et tu t'aperçois que tu es complètement paumé dans cette ville que tu connais par cœur

une brune à la peau blanche
une brune aux yeux bleus
une brune qui boit sa bière au goulot
elle marmonne des trucs en regardant le canal
ce que les rats ne font pas les fourmis le font
c'est ce que tu crois comprendre dans la brume des mots

ridicules petites tragédies
petits riens surprenants


tu notes que les formateurs manquent cruellement de formation
tu notes que les poètes fayotent avec le septième adjoint au maire en charge de la culture

tu ne fumes plus sauf hier avec ton pote Charly que tu n'avais pas revu depuis trois ans
ton pote Charly qui ne s'appelle plus Charly
ton pote Charly qui s'appelle Clara
et qui bosse dur pour devenir dessinatrice intradermique
en attendant
elle s'entraîne sur ses potes ou bien sur des porcs et compte bien ouvrir un de ces quatre 

une boutique qui serait aussi une galerie d'art
putain d'émotions
du coup
tu réfléchis à un tatouage-écriture
genre "merde à celui qui le lit"
mais écrit en latin
le latin c'est classe

pas envie de pornographie
pas envie d'anxiolytiques

t'es un mec du XX ème siècle toi 
tu considères le sweat à capuche
comme la plus belle des inventions

lundi 29 janvier 2018

bingo

ce qu'il faut parfois supprimer en soi pour continuer à vivre
carte postale qui te fait réfléchir

dans la vitre 
dans le reflet 
le paysage te traverse le visage 
la tristesse te rend transparente
t'es rien 
t'es seule
tu te détestes
pauvre conne autodestructrice
rêveuse débile trop abimée pour que quelqu'un te rende heureuse

crépuscule de bon matin
la clinique te relâche
minuscule papier qui en atteste

papier aussi fin qu'un ticket de caisse
au passage tu escamotes deux desserts et une poignée de babybel 

la clinique te relâche mais tu ne marches pas encore très bien
tu suis ton nez quoi
tu suis tes godasses
tu retournes au brouillard toi et tes larmes qui te rentrent dans les yeux

c'est ptêt pour ça d'ailleurs que la ville te paraît soudain si neuve
soleil comme une boule de buée qui rebondit sur le boulevard
tes larmes te rentrent dans les yeux
et des nuages semblent sortir du fleuve

sur les quais 

avec ton pack de Leffe
les mouettes te matent comme si t'étais un oiseau raté
bingo 

parler sans dire le moindre mot reste ton objectif principal

mercredi 24 janvier 2018

base de loisirs

neuf heures du soir ou presque
sa femme lui cherche querelle
sa femme lui reproche ses soi-disantes mauvaises habitudes alimentaires
sa femme qui pue la clope
sa femme qui a un amant
sa femme qui a tendance à coucher avec tous les mecs qu'elle trouve super

comme d'hab'
il part en colère se renseigner sur les horaires des trains

vieille ville vide où tout semble s'amplifier
il aime bien ça et puis ça aussi

rêver de la forêt en arpentant les rues

vapeur blanche autour des lampadaires
il est question​ que l'ancienne usine devienne une base de loisirs

comme d'hab'
il va finir dans son garage à bricoler

à bidouiller
à bavarder avec la radio
à discuter avec les morts
et à machiner avec les mots
peut-être que c'est partout pareil après tout
ou peut-être pas
en tous cas
il aimerait bien récupérer sa vie un de ses quatre
son fils lui manque trop

son fils lui manque trop

mardi 23 janvier 2018


joyeux mutisme (1997)

passque les deux seuls endroits où je veux aller sont fermés
et que chez Emma ça répond pas
et que l'été pleut un truc vraiment dégueulasse sur ma ville natale
un truc viral
et que deux mecs morts de trouille vont se casser la gueule à un feu rouge
et qu'une petite nana gerbe tout ce qu'elle sait dans une cabine téléphonique
et que les gardiens de la paix verbalisent encore passque c'est pas tout à fait l'heure de l'apéro
et que ça sent un peu le malaise l'électricité statique et l'immuable
je pourrais oublier que ce n'est pas grave mais j'oublie pas
je souris même mais pas trop quand même
d'être à l'écart de mes problèmes habituels
le manque l'harmonie et ma putain d'âme immortelle

mercredi 17 janvier 2018

conversion de Paul

que je ne sois pas un célèbre Dj ne déçoit pas Laurent pour autant
il m'envoie ses amitiés les plus discrètes mais les plus sincères

Suzanne a très mal dormi
sa cousine ronfle
sa cousine pète
sa cousine a toujours été une princesse casse-couilles
même avant sa maladie

Angela est fan de Fernando Pessoa et de Sylvester Stallone
Angela me rappelle qu'il ne faut pas que je couche avec ma psy
ni avec mon meilleur ami
Angela
la planète qui gouverne son signe astrologique est Vénus

air furieusement doux
ce matin
un mélange de viennoiserie et de bois brûlé parfume la neige fondue
tout le monde chouine à cause de ce temps de merde
pas moi

(toujours pas de nouvelles de mon frère)

mardi 16 janvier 2018

cairons

les bonnes chaussures il les a pas
les mots qui vont bien non plus

expériences manutentionnaires
il dit oui au chaud
il dit oui au froid
il dit oui aux heures
il dit oui à la poussière qui fatigue les poumons
il dit oui aux cairons au bout du couloir
il dit oui aux personnes âgées qui en ont marre des jeunes démissionnaires
aux personnes âgées qui lui coupent sans arrêt la parole


pas possible
pas de place
sa candidature est mise en vivier


dingue de vie
plus il essaye de comprendre 
plus il se sent nul
entre lui et son père c'est pourri depuis des années

dingue de vie
qui bouge pas d'un pète mais qui va quand même beaucoup trop vite

ça y est 
la lumière s'en va
bazar de tout 
bazar de la nuit
bazar des rêves qui ne font plus rêver
la lumière s'en va
sirop à la codéine

mercredi 10 janvier 2018

diadème

du gruyère
deux boites de sardines
du vin blanc
du chocolat noir
du vin blanc
des sacs poubelles

du vin blanc

j'essaie de me montrer sous le meilleur angle je n'en trouve pas
je laisse tomber
ça et le côté tassepé des saintes

ce système  est une erreur qui me transforme en anomalie
primordial que je me forme à la joie de gruger

la boulangère qui a toujours une anecdote sur Charles de Gaulle
me confie qu'il y a des journées quiche ou des journées pizza
aujourd'hui c'est pizza
elle n'a pas d'explication
elle n'en cherche pas

j'écoute plutôt ce que racontent les murs
et les bennes de chantier
qui disent que Ludo est nul aux fléchettes
qui disent marche ou rêve 

qui disent errance et sexe anal
qui disent boules de feu contre les condés
les murs plutôt que les vitrines enjoignant au sourire et à l'amour

unité de temps mais jamais au même endroit

Dame Lynx a plein de projets depuis qu'elle ne se projette plus
plein de projets sans moi
elle ne me dit plus qu'elle pense à ma barbe 

à ma peau qui sent toujours bon même quand elle pue
à mes yeux qui font les couillons
et que c'est trop bien les vacances avec moi
elle dit qu'elle n'y arrive plus
qu'il faut qu'elle se protège
qu'elle a besoin d'espace
qu'elle a besoin de se retrouver


la femme qui m'aimait trop ne m'aime plus du tout
dont acte

statues habillées que les petites bourges sous substance
statues habillées que les zonards soûls sous la halle en travaux

il y a un bruit bizarre
ça vient d'ici

non ça vient de là-bas
non ça vient de la gare
non ça vient de ma tête

le jour de Noël
je traverse la ville de part en part
six bornes le plexus en lambeaux
le ventre troué par la nostalgie de nous-mêmes
notre histoire est partout
chialer sans chialer c'est comme être ivre sans boire
neige fondue dans ma binouze

ici un monsieur se cure l'oreille avec la branche de ses lunettes
ici un trisomique pleure d'un seul oeil
ici un berger moustachu parle d'une voix efféminée
ici une nana repose son hamburger afin de picorer des petites
saucisses de Strasbourg
ici la dame férue de psychogénéalogie ne discute plus avec les gens qui ne veulent pas apprendre
elle les laisse dans leur merde 


il y a toujours quelque chose qui se passe dans le ciel
raton-laveur d'étoiles ou bien giboulées de mars en décembre

historiquement personne ne sait grand chose
alors autant rester disponible au merveilleux
douceur qui transperce
douleur qui transporte
livres qui consolent

les perspectives qui se dessinent sont les mêmes que celles qui disparaissent
exactement les mêmes
jouissance jusqu'à l'anesthésie
ou comment faire de son deuil un putain de diadème 

mardi 9 janvier 2018

épiphanie

Alessandro est arrivé en Bolivie
il bosse dans le bâtiment
pour financer la suite de son périple
il aide à construire un village destiné à d'anciens détenus ainsi qu'à leurs familles

j'ai encore rêvé que je faisais rire Dame Lynx
avec mes conneries
bien-être fou et puis réveil en larmes
faudrait peut-être que je me renseigne sur les effets secondaires de ce somnifère

Jim me dit qu'un label punk lillois serait intéressé de faire figurer notre morceau Papa fait moi jouir sur sa compilation de lancement
Jim n'y croit pas beaucoup aux compilations de lancement

temps relativement doux joli soleil voilé

(toujours pas de nouvelles de mon frère)

lundi 1 janvier 2018


il n'y aura pas d'exil

moment fondateur
cette rouquine te fascine
ses cheveux décochent des flèches
chignon défait qui te fait foncer le coeur

et sa façon de marcher aussi
et sa façon de parler aussi
et sa veste que tu as essayée pendant qu'elle dormait
elle te l'offre
danse de la rencontre

sur ordre de ta mère
ton frère aîné te gifle
et pour ça et pour d'autres raisons évidemment
schémas qui se reproduisent
dressage des sentiments
les larmes des anges sont parfois des crachats

culture et tradition
leurs rituels
leurs fêtes
6000 ans de synonymes pour justifier l'humiliation faite aux femmes

le présent
c'est tout ce qu'il te reste
récit sans histoire

dans ce monde qui te renie
tu refuses de disparaître
il n'y aura pas d'exil
de toute façon tu n'es pas assez riche
il n'y aura pas d'exil
il n'y aura pas d'échange
il n'y aura pas non plus
de suicide honorable au raticide

silence des oiseaux dans la ville morte que tu arpentes
ville de baraques et de manoirs
tu es comme tout le monde
tu es différente
tu regardes à travers la neige
à travers les trous de la neige qui fond
tu remarques la neige sale en dessous

pluie à 6 degrés
vin à 12
pente à 5%
tes blessures ne te font pas mal
sauf quand elles te ralentissent
il en va de même de tes souvenirs

voix qui viennent des arbres
voix qui viennent

les mauvaises choses sont faites pour apprécier les bonnes
et bondir
et draguer
et faire vivre la beauté
et faire rire tes amies même si tu n'en as pas vraiment

soudain ton père te manque
sa vulnérabilité surtout
soudain ton père te manque
et tu as le visage triste d'être ici
tu ne sais pas trop pourquoi
peut-être à cause du temps
peut-être à cause de l'endroit
peut-être à cause du temps
peut-être à cause des rêves impossibles

chanson d'amour pour personne
musique de film qui n'existe pas