jeudi 28 décembre 2017


le jeudi souvent je dévie (2011)

le jeudi souvent je dévie
souvent vers la gare centrale
souvent vers le bord du canal
sous la canopée des platanes
je me cale à la bière
je me confie à la dalle
je me colle à la pierre
à la tôle à la faille
la zone est en nage
le zoo a la rage
la BAC a les crocs
je bois des coups au goulot
parmi mes copains les parpaings
les petits rats de l'apéro
les baltringues les lascars
les trimards les narvalos
les pédés les charclos
les quidams dont je suis
l'argent ne fait pas le bonheur
alors que Laure oui
mais il n'est que huit heures et demie
le jeudi souvent je dévie

de quoi tenir


mercredi 27 décembre 2017

bordel de merde (1)

à l'heure qu'il est
avec le temps qu'il fait
la bière me boit
le feu m'éteint
je ne sens plus rien
et c'est bizarre
parfois c'est bien
y a grand soleil
mais fait pas beau
je rentre dedans
je monte en haut
je pense à toi
je me mets des doigts
en rêvassant
les yeux crevés
par les écrans
les clips déviants
changer de peau
je peux pas trop
bordel de merde
sourire en coin
nouveau tricot

passerelle (2013)

...10 000 ans...les étangs de boue...les étangs...les vastes étendues recouvertes...tout ça est loin maintenant...les dinosaures aussi...j'arpente les rues lessivées par les averses de la nuit...quartiers de viande...pâtés de maisons...flancs de colline...il fait doux...les derniers couche-tard se finissent à la bière...adossés contre les carrosseries...certains se coursent sur le goudron...se taclent par derrière...chemises déchirées...arcades ouvertes...d'autres enfin chialent leur mère sur un bout de trottoir...le visage crevé...la peau sale...les effluves perceptibles...en zone mixte...le maquillage saigne...et les nibards dégueulent...en zone mixte...les premiers lève-tôt se croisent...qui ont des poches au bout des bras...qui ont des poches au bout des yeux...et des yeux durs comme des œufs...des yeux qui parfois...ne sont pas vraiment au bon endroit...minuscules périples...un marché de plein vent se construit...un regard de jeune fille me fait sursauter le cœur...un regard ultraviolet aux propriétés antiseptiques...cette passerelle offre un point de vue inédit...sur les arbres et les toits...et la collecte des eaux pluviales...et le passé...qui ne passe toujours pas...  

dimanche 24 décembre 2017

Toulouse Noël 2017

Mais moi c'est une putain de tendresse (2001)

même les chiens ne m'aiment plus c'est rigolo
c'est même pour ça
que je partirais bien quelques semaines en week end
style maison de campagne à la mer
le temps que le bronzage fasse tenir en équilibre 
toutes les bosses de ma tête

c'est rigolo l'océan
ça manque un peu de trottoirs
ça fait que je suis de suite un peu paumé
mais c'est vachement beau les baïnes surtout

c'est rigolo tout le monde me prend pour DJ Henao
tout le monde croit que je vais mixer samedi
tout le monde s'imagine 
que si j'avais une bite aussi grosse que mon ego
ben je m'enculerais tout seul
que c'est même un fantasme mais non
attaquer les gendarmes à coups de caleçon
pendant mon arrestation
ça ouais c'est un fantasme

c'est rigolo ton petit cul de petite pute hypersensible
peut tenir caché derrière une petite boite de céréales
c'est rigolo mais c'est pas une raison pour me briser le coeur
kesse tu crois casser nos liens c'est pas facile
c'est comme couper des veines ça va pas sans peine

c'est rigolo en te regardant 
je me dis que le système semble parfait
surtout quand on en fait partie
que la France c'est mon pays mais que c'est pas ma patrie
et que je n'ai jamais tort
sauf des fois quand je te parle encore durant mon sommeil
somniloquie ça s'appelle

moi aussi je t'emmerde mon amour
mais moi c'est une putain de tendresse

samedi 23 décembre 2017


tellement de règles tellement d'exceptions (2015)

tellement de règles
tellement d'exceptions
pour nous fliquer
y a toujours du fric
les paranoïaques ne s'ennuient jamais
et les Parisiens ont toujours raison
les banquiers vendent de l'argent qui ne leur appartient pas
on est tous des petits canailloux
et moi je cherche quelque chose qui n'existe pas
grésil dans la gueule
labyrinthe en ville
et moi je cherche la faille
et moi je cherche l'angle mort qui me renforce
qui me rend disponible à moi-même
et pas pour remonter au classement non
ni pour me faire un nom sur le circuit

dans la prison sans mur
sous la surveillance des robots
sourire de sourcils moi je dis
à l'attention de la fille aux grands yeux gris

mais je ne m'appelle pas Jeff (2007)

les mecs qui ont des petites bites sont obligés d’être gentils pour compenser
c’est connu et c’est sûrement pas toi qui va venir me saliver le cul
et me le mordre et me l’ouvrir et me le salir avec amour
pas vrai, Jeff ?


elle fulmine comme une expédition punitive
sublime dans son rôle de traînée qui piétine à moitié folle
et lovée dans des fringues courtes et collantes de colère noire
des transparences et des spirales imprimées
avec le bord des larmes 
!

depuis un quart d’heure les venins la font louvoyer à fond
comme une louve arrachée aux produits qui entraînent
comme une louve entraînée par des produits qui arrachent
qui ouvrent la gueule en grand pour que fusent
les malédictions antiques
qui dans sa bouche sonnent comme des noms de bonbons
dont le bleu bouge dont le rouge coupe dont le rose explose


mais je ne m’appelle pas Jeff
elle fait exprès de me confondre avec son amoureux infidèle
un musicien plutôt reconnu si on aime le style Néo Machin
elle croit que ça m’énerve d’être confondu
à croire que toutes les nanas malheureuses
sont forcément sortis avec quelqu'un de célèbre
mais je ne m’appelle pas Jeff

avec ses feintes d’enfant presque deux fois majeur
elle veut juste que ça flambe plutôt qu’il ne se passe rien
et c’est pas con et pourquoi pas
vu que j’ai encore des trucs à boire

jeudi 21 décembre 2017

variante courte

issu d'une famille nombreuse
vous avez appris à parler fort
vous n'avez pas vraiment de domaine de prédilection
vous n'avez pas vraiment de racines
vous faites au mieux 


de toute façon
vous préférez agir que de vous connaître vous-même
ange ou démon
probablement ni l'un ni l'autre
ou alors les deux
septembre 2011
vous faites encore ce rêve où tout se remplit de boue

semaine agitée
vous aimez choquer pour la bonne cause
vous citez la bible
tout en vous comportant comme un voleur sans honneur
lumière que procure le scandale
c'est presque trop facile

vous êtes considéré comme un traître
tout le monde se prend la tête alors qu'il n'y a rien de réellement nouveau
octobre 2011
vous bandez tellement fort ce matin que ça vous réveille

novembre 2011
neige fondue qu'efface le métronome des essuie-glaces
dimanche noir
vos qualités sont désormais perçues comme des menaces
dimanche noir
des amis très proches se fatiguent de vous
votre femme met toujours sa ceinture de sécurité avant de vous embrasser
tout est si tragique que vous trouvez ça drôle
certains jours c'est exactement l'inverse

janvier 2012
vous retrouvez cet endroit parmi les pierres du jardin
le seul endroit où vous vous sentez consolé
vous êtes comme un prince du Moyen-Âge dont tous les secrets sont des mensonges en train de mourir

de quoi tenir


mercredi 20 décembre 2017

tireur d'élite (le retour de la suite) 2014

finalement
le tireur d'élite n'est pas tireur d'élite
mais simple magasinier
il a trafiqué ses papiers militaires
il est criblé de dettes
il a emprunté du fric à des amis
pour rembourser d'autres amis
il ne paye plus le loyer depuis trois mois
il a des problèmes psychologiques
il le sait
il ne ressent rien
et c'est ça qui lui fait vraiment mal
il a offert un bulldog anglais à Marilyne
grâce à un chéquier volé à son beau-frère
il a aussi volé des chèques à Marilyne
et Marilyne a porté plainte
et Marilyne se retrouve quasiment à la rue
et elle remet tout en cause
et elle remet tout en question
mais pas le souffle de leurs gestes nus
ça non elle n'y arrive pas

jeudi 14 décembre 2017

mise en voix de merde n 5


Christ Roi

Laura n'a pas d'enfant
elle vient de passer trois jours à Lacanau
dans le grand air et la belle lumière
en compagnie d'un nihiliste alsacien
lui avec sa toxicomanie
elle avec son anorexie
sur la plage qui s'agrandissait à vue d'œil
le mois prochain elle part à Séville rejoindre un poète autrichien infidèle au possible et pourtant hyperjaloux
encore un grand mec baraqué qui aime se faire bouffer le cul
elle est rigolote Laura quand elle raconte
déplaire à certains n'est pas pour lui déplaire
micro-expressions à faire revivre les fleurs fanées

du coup Ghislaine se fait voler la vedette
du coup Ghislaine donne dans la modestie qui caractérise si bien les culs bénis de la laïcité
bref
ça commence à se voir qu'elle se la pète

Camille estime que Karim n'est pas dans la vraie vie
Karim considère que Camille lit trop de livres ou alors pas les bons
ils ont tous les deux raisons et pourtant se gourent complètement
cérémonie des sourires de circonstance

la bière est super
triple Carmélite
Grégory s'en reprend une en évoquant
la souplesse anale des petites stagiaires asiatiques qui mettrait en péril bon nombre de couples mariés au centre national d'études spatiales

(toujours pas de nouvelles de mon frère)

mardi 12 décembre 2017


les frites de la vérité pure (2014)

quand il s'agit d'éthique et de morale
les règlements deviennent de suite confus
et il se peut qu'ils le restent


à l'approche des fêtes de fin d'année
au Flunch
tout fait toc
sauf les trois copines
qui gloussent dans un coin
en comparant leurs achats respectifs de dessous
elles ont quoi
20 piges
et portent toutes le hijab


moi en tant que poète de cafétéria
qui se consacre parfois
aux frites de la vérité pure que contiennent les blasphèmes
moi je kiffe grave 


tiens
y a le père Noël qui sort des chiottes

vendredi 8 décembre 2017

décembre 2017

jardin potager dans un angle mort

parait que t'as la rage du réel
parait que tous tes potes se mettent à la basse
parait que ta barbe sent le rémugle
parait que t'as les mains qui épaississent
parait que tu ressembles à un pope des rues
parait que t'as l'air de sortir d'un film post-apocalyptique
parait que tu fais ton âge désormais
parait que pour des raisons personnelles tu as arrêté la consommation de pruneaux
parait que tu soûles tout le monde avec tes parait

tu t'es regardé dormir toute la nuit
la vie des morts en toi t'épuise
visions de renards chassant sur le parking
visions de seins massifs lissés par la salive

jardin potager dans un angle mort

le ventre et la volonté
ont créé les premiers verbes du monde
choc sans surprise
vivement ce soir que tu te couches


théories complotistes qui vont avec les trainées de condensation dans le ciel
les tours de magie de la lumière
les grands dièses
que traversent les oiseaux migrateurs

ta séance de sport te remonte à la surface
du cardio du statique
une demi-heure trois fois par semaine

tu pars acheter le journal
le vent est redevenu ce dieu Viking sans pitié
sa mère la pute

les ouvriers du bâtiment ont ressorti les pulls et les strings fourrure
fou rire
y a toujours un gag dans les tragédies
grosse ambiance à la Chope Gauloise où un toubib trinque à la joie d'être endetté
bouteille de champagne de bon matin
en compagnie de sa maitresse
féminité en train d'éclore
  
inapte à rester ici
tu rabats ta capuche sur ton bonnet
badge de Walt Whitman accroché à ton blouson
tu traces
tu as une lessive à faire tourner
aller-retour
la laverie est à deux kilomètres

un type croit te reconnaître
un type avec un grand chapeau
qui dérive comme un produit
frère parallèle titubant sur des tubes intérieurs
des phylactères sortent de sa tête
ça dit qu'on prend les gens pour de la merde
ça dit qu'il faut pas s'étonner après si ça chlingue

y a quelque chose devant toi que tu ne vois pas
quelque chose qui n'est pas là
quelque chose qui te rend malheureux

besoin de fiction
tu mangerais bien une pizza végétarienne


marasme de tout
des demoiselles
des belles voitures
du peuple qui galère
des journées qui durent trois ans
des chaussures de sécurité 

si confortables quand on ne marche pas avec
du chef persuadé de gérer la vérité-terrain en passant ses journées devant son ordinateur

attente d'horizons
mouvements contradictoires entre le monde et toi
ton treizième mois que d'aucuns t'envient
c'est 1200 euros qui te permettent
grosso modo de payer tes impôts et ta taxe d'habitation

chierie
on appelle ça gagner sa vie

t'es un mec du XXème siècle toi
tu te bourres la gueule en écoutant
les crooners qui chantent Noël 

mercredi 6 décembre 2017

super lune

des betteraves
du chocolat
du vin blanc
des allumettes
du vin blanc
du riz complet 
du vin blanc

dans mon rêve de la nuit dernière
un chorégraphe de danse tribale trouvait que je mourrais très très bien

pierres belles arrondies par l'eau
lieu sacré de plumes et de feuilles mortes
lieu sacré où je m'entraîne à rien
lieu sacré où je progresse à vue d'œil

lieu sacré partout où je veux

les machines à laver de la laverie sentent
la térébanthine
la neige a été annulée
les gens s'égorgent eux-mêmes
tristesse pathogène qui les suit depuis l'enfance

mêmes radicalement différentes
les espèces de mammifères en grognant se comprennent parfaitement


mugissements aux nouveaux morts
aboiements aux derniers vivants

ici les ours sont des robots
ici un mec se gratte les couilles en tête de gondole
ici une hôtesse de caisse se plaint de ne plus rien voir de l'oeil gauche avant que de s'effondrer
ici un marmot m'explique tout ce que je veux  savoir sans prononcer le moindre mot
ici une vieille dame vient d'apprendre l'existence de sa sœur jumelle
courage qui
 protège du malheur mieux que les archanges

à trop se rayer la tronche
avec ma blonde
on a viré nos
 noms de nos calendriers respectifs

commun accord qui lui fait gueuler les tripes
commun accord qui me fait puer les yeux

à cette heure-ci
il n'y a quasiment plus personne sur la route
et c'est déjà beaucoup trop de monde

super lune qui prend toute la place
mais tout ce que je vois moi
c'est le givre noir que la nuit forge à froid 

mise en voix de merde n 4 (Alan Vega est mort)


vendredi 1 décembre 2017

de quoi tenir


ici c'est bien (2007)

ici c'est bien
tellement bien que je fais la gamine dans les résidences sous videosurveillance
tellement bien que je commence à sentir le bar-tabac
et non plus les conversations fétides de mes proches
tellement bien que je ne me défends plus de rien
même pas d'être un peu trop salope
même pas de faire attention à ne pas trop t'aimer
tu le sais toi,pourquoi je fais toujours ça ?
pourquoi tout ce qui est beau j'arrive pas à le parler
excepté quand des cocktails phosphorescents m'électrisent
dans la piscine
ma putain d'envie de toi
c'est tout ce que tu veux mais c'est pas romantique
excepté quand je t'évoque en remuant mes pieds sous la table
de la cuisine 

penses-tu à bien fermer la porte ?
mets-tu les volets à l'espagnolette ?
es-tu prés de moi alors que ma peau t'échappe ?

dans les toilettes fortifiées par le frais et par le calme
je relis ce que tu m'as écrit
et je me demande de quelle tranchée ça vient
et je te cherche sous des nuages épais comme des éléphants
et je veux encore des nuits blanches
où tu me perces à jour manu militari
et je veux encore des dimanches pourris
à faire des cabanes sur le lit
et je veux encore te souffler de l'eau de mer dans les bronches
jusqu'à te couper le souffle
jusqu'à te faire rêver la tronche
beaucoup passionnément
et t'embrasser tu sais comment
jusqu'à la dernière goutte