jeudi 31 juillet 2014

la petite mamie du Washington Square Park

"il n'y a qu'à New York que vous pouvez voir ça" 
me dit la petite mamie
en me désignant du menton le monsieur tout gras 
qui danse sur place
mi gracieux mi dégueu
et qui dodeline le bide à l'air
et qui dégouline extasié par le soleil
et la musique qui passe dans son casque...
avec un sens de l'incruste incroyable 
la petite mamie vient juste de s'installer à côté de moi sur le banc
"cela dit je n’appellerais pas ça danser" me précise-elle

apparemment elle vient souvent ici la petite mamie
avant d'aller chez le coiffeur
elle a rendez vous à 15 h pour refaire sa couleur
elle a 76 ans
elle est née en Azerbaïdjan alors république soviétique
Brejnev était encore président quand elle migra en Israël
elle a également vécu en Autriche avant de s'installer à New York au début des années 80
elle a un fils avocat qui gagne très bien sa vie
et qui vit dans une très belle maison à la campagne
dans une très belle ville d'ailleurs...
aussi belle qu'ennuyeuse d'ailleurs...
un peu comme sa compagne d'ailleurs...

elle est sympathique la petite mamie et drôle et maline
mais elle dégage ce je-ne-sais-quoi de vaguement anxiogène
que devaient également produire les infirmières dans le système de psychiatrie punitive de l'ex-URSS...

on sait jamais avec les vieux
on sait jamais

mardi 29 juillet 2014

ça et la gentillesse

les ténèbres s'éteignent 
brume autour de la loupiote 
brume tout autour
l'océan est loin pourtant 
mais grâce à un spray nasal à base d'eau de mer
la cuisine devient cambuse
et le balcon devient bastingage
et l'appart un putain de rafiot
les ténèbres s'éteignent 
je me suis rasé le crâne 
j'ai fait un bout de vaisselle 
j'ai descendu les poubelles 
et puis j'ai quitté mon couple définitivement 
les ténèbres s'éteignent 
ce matin le mail est luisant de rosée 
où craquent les feuilles comme des chips 
je pense arbre généalogique 
je pense branche morte
je pense à moi
la solitude produit son propre vin
une pure merveille que je savoure
çà et là 
ça et la gentillesse des filles peu recommandables 
ça et la gentillesse 
les ténèbres s'éteignent 

lundi 28 juillet 2014

passerelle

...10 000 ans... les étangs de boue... les étangs... les vastes étendues recouvertes... tout ça est loin maintenant... les dinosaures aussi... j'arpente les rues lessivées par les averses de la nuit... quartiers de viande... pâtés de maisons... flancs de colline... il fait doux... les derniers couche-tard se finissent à la bière... adossés contre les carrosseries... certains se coursent sur le goudron... se taclent par derrière... chemises déchirées... arcades ouvertes... d'autres enfin chialent leur mère sur un bout de trottoir... le visage crevé... la peau sale... les effluves perceptibles... en zone mixte... le maquillage saigne... et les nibards dégueulent... en zone mixte... les premiers lève-tôt se croisent... qui ont des poches au bout des bras... qui ont des poches au bout des yeux... et des yeux durs comme des œufs... des yeux qui parfois... ne sont pas vraiment au bon endroit... minuscules périples... un marché de plein vent se construit... un regard de jeune fille me fait sursauter le cœur... un regard ultraviolet aux propriétés antiseptiques... cette passerelle offre un point de vue inédit... sur les arbres et les toits... et la collecte des eaux pluviales... et le passé... qui ne passe toujours pas...


vendredi 25 juillet 2014

y a trop de gens dans le métro quand il pleut

il l'a harcelée jusqu'à ce qu'elle lui montre ses seins
tu le crois ça
il l'a harcelée jusqu'à ce qu'elle craque
il s'était caché chez son frère tu sais
le pd qui s'habille en femme
il s'était caché chez lui 
quand même
ils vont pas annuler trois semaines de vacances
en Indonésie
pour rester auprès de leur fille
qui est sur le point d'accoucher par césarienne
d'un bébé qu'il faudra opérer à la naissance
ben non
ils vont pas annuler
pour quoi faire d'abord
y a des choses qu'elle fait
et puis y a des choses qu'elle ne fait pas
y a trop de gens dans le métro quand il pleut
elle s'assoit jamais dans le métro
quand y a trop de gens étranges
tu comprends
trop d'étrangers
trop de meubles qui se meuvent
trop d'adolescents qui prennent leurs parents
pour des distributeurs automatiques
y a des choses qu'elle fait
et puis y a des choses qu'elle ne fait pas
la connasse de l'institut
une personne un mur
et la conscience dégueule
c'est hormonal peut-être
non c'est pas ça
y a rien qui tient
voilà tout
rien du tout
c'est mort
allez viens
on va manger

mercredi 23 juillet 2014


la vie est parfois comme ça

la vie est parfois comme ça ,mec
que ce soit fortement conseillé
ou que ce soit systématiquement ordonné
les chiens doivent être tenus en laisse et les vendeurs doivent porter leur gilet
la démocratie a toujours autant besoin d'ennemis
toujours autant besoin de clients
les coups de cœur de la fille du patron sont toujours ceux 
du chef de rayon
t'as remarqué?
à force d'enfiler les perles on finit par enculer les mouches

la vie est parfois comme ça ,mec
que ce soient des bobards ou que ce soit la vérité vraie
les despotes succèdent aux lanceurs de pierres
l'ignorance véhicule pas mal de préjugés
genre le sud c'est sale les marginaux sont agressifs
la colonisation a joué un rôle positif
surtout pour la France surtout pour certains français
t'as remarqué ?
à force d'enfiler les perles on finit par enculer les mouches

la vie est parfois comme ça ,mec
que ce soit communément admis ou formellement démenti
le paradis et l'enfer sont deux définitions de la vie sur terre
la discipline a du bon quand elle ne rend pas trop con
trop conforme et convenable et au final condescendant
la discipline a du bon le désordre aussi
t'as remarqué ?
à force d'enfiler les perles on finit par enculer les mouches

la vie est parfois comme ça,mec
que ce soit archiconnu ou que ce soit tenu secret
révolution et dictature vont très bien ensemble
comme les seins et la sueur
comme l'espoir et la peur
mais pas comme l'amour et la liberté
en période de crise l'indifférence c'est déjà de l'amitié
je viens de me réveiller et c'est déjà l'heure d'aller me coucher
t'as remarqué ?
à force d'enfiler les perles on finit par enculer les mouches

lundi 21 juillet 2014


vivoter me va bien

ça c'est l'ego
et ça c'est la pleine conscience
quand tu crois tout savoir
c'est là que t'es prêt à apprendre 
ducon
(existe aussi en version pétasse)

ça va
on a compris
la poésie c'est ringard 
raconte-moi plutôt tes rêves 
me dit-elle 
en se grattant les seins
je lui dis non 
j'ai pas envie
et depuis
je remarque régulièrement
à quoi peuvent aussi servir 
son immense talent
et sa fabuleuse imagination
à savoir empoisonner
à savoir pourrir
à savoir pousser la tronche des gens
dans la trancheuse à jambon

c'est le printemps 
tout est gris
par nature
l'état s'oppose à la liberté individuelle
je ne suis donc pas surpris
la quiche est au four
la bière est au frais
j'ai mis un album des Baptist Generals dans la platine
autant dire que je ne vais pas bouger
ni pour venir te voir
ni pour aller voter

grâce à ma semaine de barbe
je capte des trucs dans les courants d'air
des ondes hertziennes qui me confirment
que le provisoire s'éternise 
et que vivoter me va bien

jeudi 17 juillet 2014

Lorette avec un O (deuxième partie)

elle oublie tout
ses lunettes sa casquette sa canette sa feuille violette
elle fait tomber ses clefs pour la centième fois
Lorette va pas bien
trop de lisettes dans ses cheveux
trop de séries policières dans ses yeux
Lorette s'habille comme si elle ne voulait pas se rencontrer
chandail de zombie goitreux chaussures en vomi de mamie
elle croit que le climat lui en veut personnellement
que le soleil s'en va dès qu'elle arrive
alors que c'est dans sa tête qu'il ne fait pas beau
alors je lui dessine un petit truc
alors je lui laisse un petit mot
et si on faisait du vélo avec nos antagonismes,hein?
mais bon comme je commence à la connaître un peu
je me suis de suite attaqué au nettoyage de la salle de bain

sur l'atlas routier de ses sentiments pour moi
Lorette me situe du côté de Montendre
Lorette est innocente comme la gnôle qui vient de naître
Lorette n'y va pas de mer morte
pour qu'elle m'écoute vraiment en ce moment faudrait que je passe à la télé
Lorette me demande si les haricots verts je les veux en salade ou dans la gueule
et en même temps elle me bade comme les Dogons badent les ballons

Lorette je crois que j'aimerais toujours te regarder écaler des œufs durs
sur une aire d'autoroute avec la précision d'un neurochirurgien
Lorette je crois que j'aimerais toujours marcher avec toi
dans une ville inconnue et même si c'est dans une ville que je connais
et même si c'est pas dans une ville d'ailleurs
et même si
et même si

dimanche 13 juillet 2014

maillages et contre-projets

...principe universel...schéma directeur...chaleur résiduelle en quantité...pour l'heure dans les parages...quelque chose continue de se délabrer...tristement...somptueusement...c'est tellement calme ici...nature spectaculaire...culture particulière...les oiseaux règnent sur les grands immeubles de l'ancienne cité...le sol abrite bon nombre de galeries...comme des veines de bois à l'abandon...ténèbres chaudes...murs profonds...les saisonniers majoritairement venus d'Asie sont plus ou moins livrés à eux-mêmes...ils ont mutualisé leurs moyens...cigarettes occidentales...courrier...ravitaillement...bas nylon...bars plutôt bien achalandés...il n'y a pas de vent et il fait plutôt bon...le sommet de la montagne est visible...dans la partie la plus septentrionale...des cordes vibrent...c'est déjà ça...t'as vu...des maillages voient le jour...des maillages et des contre-projets qui viennent mystifier...de temps en temps...la pression néfaste du collectif...et Mike a le sourire plein de charbon...ouais...je crois que c'est lié... 

vendredi 11 juillet 2014

le jeudi souvent je dévie (5)

le jeudi souvent je dévie
délassé depuis que banni
béni depuis que déclassé
je demande asile aux allées
à la poussière du massalé
et à la peau des entrepôts
où je prends ma pause
où je prends le large
ma dose d'exil
ma dose de marge 
de quoi m'affaler
de quoi me rôtir
dans le doux diesel des alizés
dans le feu nu des endorphines
les grillons font de la radio
j'attrape des trains avec les yeux
des ciels de traîne
des culs de chiennes
des terres de Sienne
des rires de hyènes
Dr Wax est encore mon ami
mais il n'est que huit heures et demie
le jeudi souvent je dévie

mardi 8 juillet 2014

infrastructures

...tout commence par un pont de chemin de fer...et une recette de béton qui pardonne tout...effritements & fissures...au niveau du bassin sud...début de la zone dans un carré...dynamique portuaire...mais aussi...région vivante...et nourricière...Jan a l'habitude de venir ici...soit pour pallier...soit pour remédier...et non c'est pas pareil...il cale sa bagnole au soleil...et se sirote une binouze...habitacle à l'abri du vent un peu pute...à l'abri des touristes richissimes...et des grands groupes financiers...qui jouissent et se fournissent dans des hôtels...qui ressemblent à des cliniques...et des usines...qui ressemblent à des prisons...les inconnues restent nombreuses cependant...qui lui tiennent compagnie...quand elles flottent en équilibre...au dessus des infrastructures...et des clôtures du royaume...et de toutes les belles choses auxquelles s'agripper...

samedi 5 juillet 2014


mes yeux bleus quand ils ne sont pas rouges

c'est moi
au vu des dernières 48 heures de ma vie de branleur
c'est moi
c'est moi juste avant que mes yeux ne partent comme des catadioptres dans la nuit
c'est moi
c'est moi malgré la fragilité de mes érections
c'est moi quand la belle Fanny me demande c'est quoi ça ?
c'est moi qui dit hein?
c'est moi qui dit quoi ?
c'est moi qui dit euh ?
c'est moi qui dit ah ça c'est rien c'est du sperme !
c'est vrai que tout le monde n'aime pas le sperme
mais à y être si j'ai bien compris le truc autant aimer ça
et c'est d'ailleurs valable pour plein de choses
comme le travail en général
le chômage en particulier
et les abus d'alcool chez la belle Fanny
le dimanche soir devant la télé

mardi 1 juillet 2014


moi je pense aux aimants qu'il y a sous la terre

...c'est une vieille expression...qui date de l'occupation...et qui signifie que tout va bien...qu'il faut se servir du cadre...oui...pour ne plus en avoir besoin...ou pour mieux l'exploser...après des heures dans les tunnels...je remonte à la surface par un puits à échelons...à la surface justement...toute une ville de manèges...sous un grand ciel artificiel...des gens en goguette circulent sans émotions...dans le décor romantique...certains ont des code-barres dans le regard...d'autres la peau étiquetée...animaux téléguidés...enfants alloués...au signal...tout le monde se sépare...et regagne sa cellule informatisée...bref...au coin de la rue...à l'ombre des platanes...y a le fameux bus qui part pour les steppes...le vieux bus censé traverser 350 kilomètres de dépression très fertile...un autre monde...soi-disant désert...un lieu saint ou selon...un lieu de perdition...qui remédiera peut-être...à ce truc qui ne veut pas que je vive...et qui revient...régulièrement...je discute sous les arcades...avec Miroslaw...un travailleur itinérant gaulé comme un haltérophile...un tricératops dans chaque triceps...mais qui a bien galéré là-haut...dans le nord du pays...et qui a laissé femme et enfants...et qui est venu tenter sa chance...ici...pour que les choses s'améliorent...et qui me propose une bière...elle est pas chère...mais elle est très bonne...tu vas voir...par contre...garde ta canette dans le sac en papier...il me dit...les flics plaisantent pas avec ça...par ici...on trinque à la grandeur...qui ne déprécie pas autrui...rires tonitruants...enfin surtout lui...moi je sais pas trop faire...moi je pense aux aimants qu'il y a sous la terre...aux belles balades qui vont avec... 

prière dans la rage et la bonne humeur

et puis Seigneur
je ne sais toujours pas que je vais mourir
d'où ces parfums d'éternité
ni merci ni merde
tout peut danser et tout danse
les nuits d'amour banales
la misère de ce travail à la con
le grand ordinaire
les genoux les os les nerfs
parfois c'est même un peu d'âme rendue
car j'ai des plans d'évasion plein la bouche
et ce sont des mots d'amour enfermés
des plans murmurés à la comète
et puis Seigneur
je ne sais toujours pas que je vais mourir
d'où ces parfums d'éternité